Coup de projecteur sur les ventes horlogères de Genève

 Pour L'oeil de l'expert

Ce n’est plus une surprise, 2023 signe bien le grand retour des collectionneurs sur le marché des enchères horlogères ! Si en 2022 le marché des montres de collection semblait avoir été pris d’assaut par les investisseurs et les spéculateurs, les grands amateurs et les connaisseurs avisés sont plus que jamais actifs et en quête de pièces exceptionnelles. Début novembre, les plus grandes maisons de vente aux enchères internationales ont donné rendez-vous à Genève aux passionnés du monde entier pour les traditionnelles ventes d’automne.

Au programme : garde-temps légendaires, montres historiques et références iconiques. Certaines pièces, qui n’étaient pas réapparues sur le marché depuis des décennies, ont prouvé que les enchères s’envolent toujours lorsque rareté et qualité sont au rendez-vous. 

Retour sur 10 montres que les collectionneurs ont eu la chance de découvrir ou de redécouvrir ce mois-ci…

Rolex "Marlon Brando"

#1 ROLEX « MARLON BRANDO » | CHRISTIE’S

Un record « made in Hollywood »

Parmi les montres rares, celles qui ont appartenu à une célébrité enthousiasment toujours les collectionneurs, et séduisent même un public plus large, celui des fans et des admirateurs. Ces montres enregistrent toujours d’incroyables résultats aux enchères…. Et les prix sont encore plus spectaculaires lorsque la pièce est signée Rolex. Le 6 novembre dernier, la maison anglo-saxonne Christie’s a présenté une montre légendaire, la GMT-Master ref. 1675 de Marlon Brando. Les collectionneurs les plus avertis connaissaient déjà cette Rolex puisqu’elle fut vendue pour la première fois en 2019 par la maison Phillips à New-York. Enregistrant le prix record de 1.952 million de dollars, cette pièce de collection est l’une des rares montres avec laquelle l’acteur apparaît au cinéma. En 1979, dans le film Apocalypse now de Francis Ford Coppola, Marlon Brando arbore ce garde-temps au dos duquel il avait fait graver lui-même son nom, « M. Brando », à la main. Considéré comme l’un des plus célèbres acteurs américains et l’un des plus influents du 20e siècle, cette montre avait suscité une bataille d’enchères remarquable à l’époque.

Mise en vente la première fois par sa fille adoptive, Petra Brando Fischer, cette montre sans lunette, était liée à une anecdote particulièrement amusante. Lors du tournage d’Apocalypse now, la production aurait demandé à l’acteur de retirer sa montre en prétextant qu’on ne verra qu’elle à l’écran, ce à quoi Brando avait répondu «S’ils regardent ma montre, alors je ne fais pas mon travail d’acteur ». Marlon Brando avait tellement insisté pour porter sa montre, que finalement la production avait cédé à ce « caprice de star » en prenant toutefois soin d’enlever la lunette pour que la montre soit la plus discrète possible.

4 ans après sa première présentation en vente publique, cette montre à la provenance si excitante a enregistré un nouveau record : 4.582.500 ! Un résultat qui porte en lui toute la magie d’Hollywood !

#2 PATEK PHILIPPE 2499 | PHILLIPS

Le Graal des grands amateurs

Présenté par Phillips sous le lot 186, le résultat obtenu par ce chronographe Patek Philippe ref. 2499 témoigne de la force de la marque et de la place inégalable qu’occupe la manufacture genevoise dans le marché des montres de collection. Référence iconique, le chronographe 2499 est un véritable Graal pour tout connaisseur. Estimé 800.000 CHF, cette montre rare a atteint un résultat de 2 104 900 CHF ! Une excellente performance qui confirme que le marché est inébranlable lorsque des pièces de qualité muséale sont offertes aux enchères. Introduite en 1951, la référence 2499 resta en production jusqu’en 1985. Durant ses 34 ans de production, ce chronographe fut décliné en 4 séries. Parce que les premières séries produites sont toujours les plus recherchées par les collectionneurs, cet exemplaire a littéralement « explosé » les compteurs. Facilement reconnaissable grâce à ses poussoirs rectangulaires et ses chiffres arabes appliqués, cette « fist serie », avait été la propriété de deux grands collectionneurs, ce qui lui donne un pedigree particulièrement prestigieux. 

AUDEMARS PIGUET 25554

#3 AUDEMARS PIGUET 25554 | SOTHEBY’S

Le premier Quantième Perpétuel de la Saga Royal Oak

En 1984, Audemars Piguet introduit dans ses collections le premier Quantième Perpétuel Royal Oak. Présenté pour la toute première fois à la foire de Bâle sous la référence 5554, ce modèle est rapidement rebaptisé 25554. Un seul exemplaire sera mis sur le marché durant l’année 1984. C’est réellement que 1985 que cette montre va être lancée en série et commercialisée. L’exemplaire présenté par Sotheby’s le 5 novembre dernier (Important Watches : part I, lot 64), compte parmi les toutes premières montres mises sur le marché, car comme le confirme l’extrait des registres qui l’accompagne, ce « QP » fut manufacturé en 1985. Produite uniquement jusqu’en 1992, la référence 25554 n’aurait été produite qu’à environ 270 exemplaires. En plus d’être rare, le modèle vendu par Sotheby’s était habillé d’un cadran noir particulièrement atypique ce qui explique le très beau résultat de 330.200 CHF, soit près de 200 000 CHF au dessus de son estimation !

HARRY WINSTON X F.P. JOURNE

#4 HARRY WINSTON X F.P. JOURNE | CHRISTIE’S

La montre annonciatrice de MB&F

Engagée en 1998 par le joaillier américain, le talentueux Maximilien Büsser, alors âgé de 31 ans, imagine une collection inédite pour propulser Harry Winston sur le marché de la Haute Horlogerie : Opus. L’idée est simple et en même temps révolutionnaire, lancer chaque année un nouveau modèle réalisé en collaboration avec un horloger indépendant. En 2001, Maximilian Büsser concrétise ce projet en invitant le premier horloger : François-Paul Journe. Ensemble, ils co-créent une montre qui combine l’ADN Harry Winston au génie de F.P. Journe. Baptisée Opus One, cette montre collaborative sera en réalité déclinée en une série de 3 modèles dont une montre chronomètre à résonance. Manufacturé uniquement en 6 exemplaires, tous uniques avec différentes variations (couleur de cadran, sertissage….), l’Opus One est un collector immanquable pour tout collectionneur d’horlogerie contemporaine. Non seulement parce que c’est une pièce originale qui incarne le style Harry Winston et le savoir-faire de F.P. Journe, mais aussi et surtout parce que cette montre est annonciatrice de l’aventure MB&F qui verra le jour quelques années plus tard. Estimée 350 000 et vendue 441 000 CHF, ce résultat démontre l’engouement que représentent toujours les toutes premières séries et leur potentiel hors norme sur le marché des montres de collection. À titre de comparaison, le 13 mai 2023, un exemplaire Opus One, appartenant à cette série de 6 montres chronomètre, mais déclinée avec cadran argenté, avait été vendu à Genève 252 000 CHF.

TANK LOUIS CARTIER

#5 TANK LOUIS CARTIER | PHILLIPS

L’élégance à la française 

La maison Cartier a fait sensation à Genève avec son iconique Tank Louis Cartier. Un rare modèle en platine, manufacturé en 1929 à Paris et vendue par Cartier Londres à son premier propriétaire. Introduite en 1922 sous l’appellation « Tank à bords arrondis », cette montre emblématique fut rebaptisée quelques années plus tard « Tank Louis Cartier ». Il s’agit d’une pièce de collection exceptionnelle puisque Cartier n’aurait produit que 45 exemplaires seulement ! Estimée 50 000 CHF, ce collector s’est vendue 177 800 CHF, soit 3,5 fois sa mise à prix ! Présentée sur un bracelet d’époque « grain de riz » en platine avec boucle déployante en or rose, cette montre a provoqué une belle bataille d’enchères (Lot 89, vente Philipps 3 novembre 2023).

Rolex Stelline

#6 « STELLINE » REF. 6062 | CHRISTIE’S

La plus belle complication produite par Rolex

Présentée pour la première fois en 1950 à Baselworld, la ref. 6062 est une montre ultra-novatrice à son lancement, car pour la première fois Rolex intègre à l’intérieur de fameux boîtier Oyster un calendrier complet avec phases de la Lune. Avec la 8171 et la Cellini 50535, la 6062 est l’une des 3 seules références Rolex dotées d’une phase de lune. Associé à un calendrier, ce garde-temps rassemble 2 complications, ce qui à l’époque est une vraie prouesse pour Rolex qui développe avant tout des montres, fiables, étanches et robustes.

Déclinée en or jaune, en or rose et en acier, la 6062 fut produite avec une grande variété de cadrans. L’exemplaire présenté par Christie’s le 6 novembre dernier est l’un des plus recherché en raison de ses index en forme d’étoile et de sa couleur rose qui est le métal précieux le plus rare. Très peu de pièces furent manufacturées puisque la 6062 resta en production durant 3 ans à peine. Vendu 2 223 000 CHF cette montre établie un nouveau record pour le modèle. En 2015, la maison Phillips avait vendu un modèle similaire monté sur un bracelet en or et les enchères étaient montées jusqu’à 1 265 000 CHF ! Avec le résultat obtenu le 6 novembre, Christie’s pulvérise le dernier record et démontre que la rareté est l’un des meilleurs critères pour investir.

Patek Philippe Butterfly

#7 PATEK PHILLIPE « BUTERFLY » | SOTHEBY’S

L’extravagance de l’horlogerie féminine 

Du côté des modèles féminins, la pièce horlogère la plus incroyable était – sans surprise – signée Patek Philippe. Pourtant, il ne s’agit pas d’une montre la joaillière, mais d’un modèle extrêmement courant : l’Ellipse. Introduit en 1969 dans les collections Patek Philippe, ce design compte parmi les best-seller de la manufacture, et c’est aussi l’un des très rares modèles unisexe de la marque. Dessinée par Gerald Genta, cette montre aux lignes intemporelles et minimalistes fut déclinée en version Ellipse Lady dès 1970. Le modèle présenté était une référence 4117/1G en or blanc rehaussée de diamants, doté d’un insolite cadran turquoise irisé à motif d’aile de papillon. Extrêmement rare, peu de pièces sont réapparues sur le marché des ventes aux enchères ces dernières années. Cette pièce extravagante fut vendue 76 200 CHF (lot 53, vente 5 novembre 2023), soit le plus gros prix jamais enregistré en vente publique !

À titre de comparaison, la dernière Ellipse « Butterfly » présentée en ventes aux enchères s’était vendue 31 250 CHF (lot 45, vente Sotheby’s 10 mai 2009, Genève). 10 ans, auparavant, en 1998, la maison Antiquorum avait vendu une parure composée d’une montre et d’une paire de pendants d’oreilles assorties plus de 33 000 $. Le résultat record de 76 200 CHF obtenu le 5 novembre dernier témoigne de l’engouement grandissant pour l’horlogerie féminine depuis quelques années. Conjuguant la technicité de l’horlogerie à la créativité de la joaillerie, les montres de femme vintage séduisent de plus en plus d’adeptes qui ne cessent de faire monter les prix.

MB&F X ALAIN SILBERSTEIN

#8 MB&F X ALAIN SILBERSTEIN | PHILLIPS

Le coup de coeur des collectionneurs

Si Horloger est sans doute l’un des plus beaux métiers du monde, le milieu de l’horlogerie est parfois cruel et impitoyable et nombreux sont les horlogers de talents qui en ont payés le prix. Alain Silberstein en sait quelque chose, en 2012 cet horloger français installé à Besançon a vu sa société horlogère être placée en liquidation judiciaire. En 25 ans, ce disciple de l’école du Bahaus s’était fait un grand nom dans l’univers de la montre. Avec ses créations insolites aux couleurs vives et aux graphismes original, Alain Silberstein a aidé l’horlogerie indépendante contemporaine à sortir des sentiers battus.

Alors que l’horloger est au sommet de son art, MB&F l’invite en 2010 a réinterpréter sa Horological Machine n° 2. Baptisée Horological Machine 2.2, ce garde-temps à l’allure futuriste ne sera produit qu’à 8 exemplaires seulement. La version proposée à la vente par Philipps est encore plus rare puisqu’il s’agit d’un modèle unique réalisé en titane et habillé d’un revêtement PVD couleur chocolat. Estimée 25 000 CHF et surnommée « Chocolate Box », cette montre a décuplé son estimation, et son nouveau propriétaire a déboursé la somme folle de 304 800 CHF pour se l’offrir.

Patek Philippe « World Time » ref. 5531R

#9 PATEK PHILIPPE  5531R-012 | SOTHEBY’S

Hommage à l’artisanat d’excellence 

Si les modèles anciens et vintage ont clairement enregistré les résultats les plus spectaculaires durant ces 3 jours de vente, les pièces contemporaines ont aussi su tirer leur épingle du jeu. La preuve avec un modèle Patek Philippe « World Time » ref. 5531R réalisé en 2022. À la fonction heure universelle, s’ajoute une autre complication : La répétition minute qui permet de sonner l’heure locale. Si l’on apprécie la sonnerie de son carillon, cette montre est également particulièrement agréable à regarder, car elle est habillée d’un superbe cadran en émail cloisonné. Véritable hommage à la grande tradition des montres à heures universelle avec cadrans en émail cloisonné qui apparaissent au tout début des années 1950 dans les collections de la marque, cette montre réaffirme le positionnement de Patek Philippe sur le secteur de l’artisanat d’art. Authentique micro chefs-d’œuvre conjuguant le mécanisme sophistiqué et artisanat d’excellence, cet exemplaire, dont le cadran dévoile une scène lacustre dans la région de Genève, affirme la maîtrise totale de la manufacture genevoise en matière de savoir-faire d’exception. Récemment commercialisée, cette pièce est une grande complication très exclusive, accessible uniquement aux clients privilégiés de la marque. Cette vente aux enchères représentait donc une chance unique pour une poignée d’amateurs de s’offrir une pièce d’une élégance rare.

GEORGE DANIELS X ROGER SMITH

#10 GEORGE DANIELS X ROGER SMITH | PHILLIPS

Le renouveau de l’horlogerie indépendante

C’était l’une des montres les plus attendues par les collectionneurs : The Millenium watch.

Estimée plus d’un million de francs suisses, cette montre fut exécutée par 4 mains, celles de George Daniels et de Roger Smith. Considérés comme les horlogers indépendants les plus brillants, leurs deux noms sont aujourd’hui les plus cotés du marché. Pour preuve, leur création a réalisé le prix record de 2 177 500 CHF (n° 97, Important Watches Part 1, Sotheby’s, 5 novembre 2023).

Les rares pièces exécutées par George Daniels ne cessent de valoriser depuis son décès en 2011, et enregistrent des prix hallucinants lors de chaque vente aux enchères. Roger Smith, dont les montres se retrouvent dans les catalogues de ventes aux enchères depuis moins de 10 ans, a établit une belle cote sur le marché des montres de collection et aucune pièce portant sa signature ne se vend aujourd’hui en dessous de 500 000 €. Parfaitement autodidacte, George Daniels fut le premier horloger à s’émanciper des grandes manufactures à la fin des années 1960. Installant son atelier à l’Ile de Man, il travaille uniquement sur des pièces unique et commandes spéciales qu’il réalise seul, à la main et sans aucune assistance technologique ! Complètement à contre-courant des grandes tendances du marché, il fait le choix de travailler à la manière des horlogers du 18e siècle, réactualisant ainsi un savoir-faire ancestral qui avait pratiquement disparu.

George Daniels fut un mentor pour de nombreux horlogers, dont Roger Smith qui fut son apprenti et son unique collaborateur. Si la montre qu’ils ont réalisé ensemble a réalisé un prix si important, c’est tout simplement parce qu’elle provient d’une série de montres très spéciales baptisée « The millenium watch ». Cette collection est considérée comme la première collaboration entre les deux horlogers. C’est en 1999 que George Daniels se lance, assisté de Roger Smith, dans le projet « Millenium Watch » qui consiste à réaliser une collection de 50 montres en or rose et or blanc. Si celle-ci est unique, c’est parce qu’il s’agit du seul exemplaire qui porte les deux signatures « Roger Smith / Daniels London », les autres montres de la série étant uniquement signées « Daniels London ». Vendue avec un document signé de la main de Roger Smith authentifiant la montre, ce garde-temps est une pièce historique compte tenu de l’influence qu’on eu Daniels et Smith dans l’horlogerie contemporaine.

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