PATEK PHILIPPE, L’INDÉTRÔNABLE N°1

 Pour L'oeil de l'expert

Ces dernières semaines, les plus grandes maisons de ventes aux enchères ont donné rendez-vous aux collectionneurs et amateurs du monde entier pour leurs ventes horlogères de printemps organisées à Genève et Hong Kong.

C’est au total près de 4.000 montres qui furent présentées à la vente, une offre abondante en adéquation avec la demande très forte du marché pour l’horlogerie de collection.

Si les plus mythiques manufactures horlogères étaient représentées, comme Rolex, Audemars Piguet ou encore Richard Mille et Omega, des maisons plus « accessibles » comme Seiko, IWC, Panerai ou bien Piaget faisait partie de la sélection. Les horlogers indépendants, grande tendance du marché depuis l’année dernière, ont enregistré des résultats records impressionnants. Le meilleur exemple, illustrant cet enthousiasme grandissant pour l’horlogerie contemporaine, est certainement le Tourbillon Souverain « Souscription » en platine, série limitée à 20 exemplaires réalisée en 1999 par F.P. Journe qui s’est envolée à 2 707 000 CHF ( lot 2039 ).

Pourtant la marque qui s’est affirmée comme la plus désirable des sessions de vente de mai et juin reste l’inégalable Patek Philippe. La manufacture genevoise fondée en 1839 fut indiscutablement la star des enchères. La variété des modèles et des pièces proposées étant supérieure – et de très loin – à toutes les autres marques, c’est aussi la signature qui a enregistré les plus belles enchères.

Si certaines montres, avaient été annoncées comme des Graal horlogers et focalisaient tout l’intérêt des grands amateurs, d’autres en revanche ont atteints des résultats inattendus. Preuve que Patek Philippe, plus qu’une manufacture horlogère légendaire, est aujourd’hui une valeur refuge.

Décryptage des résultats les plus significatifs des dernières ventes de Genève et Hong Kong

Patek Philippe Ref. 96QL
Emperor of the Qing Dynasty, Aisin-Gioro Puyi

PATEK PHILIPPE « IMPÉRIALE » | Phillips

C’est la montre Star des ventes du mois de mai : la Patek Philippe Impériale (lot 3 vente du 23 mai 2023). Vendue par la maison Phillips près de 5.8 millions d’euros frais inclus à Genève, cette Calatrava ref. 96QP fut la montre du dernier Empereur de Chine, Aisin Gioro Puyi. Dernier représentant de la dynastie Qing, il fut capturé par l’Armée rouge Soviétique en 1945. Détenu prisonnier, avec plusieurs membres de sa famille, dans le camp de Khabarovsk, à la frontière entre la Chine et l’URSS, Puyi pu conserver la montre qu’il portait au poignet lors de son arrestation, une Patek Philippe Calatrava en platine avec calendrier complet et phases de la Lune dite « Quantième Lune ». Achetée à Paris en 1937, cette montre fut vendue par le joaillier Guillermin, qui est à l’époque le seul importateur français Patek Philippe situé Place Vendôme. Particulièrement rare, la référence 96QL ne fut produite qu’à 8 exemplaires uniquement, dont seulement 5 en platine.

Cette montre, l’empereur l’offrit rapidement à son neveu Yuyan, qui était en détention avec lui et dont il admira la loyauté. Mais en 1950, lorsque l’Empereur apprend qu’il va être rapatrié en Chine pour être jugé, il demanda à son neveu Yuyan de lui rendre la montre pour l’offrir discrètement à Georgy Permyakov, qui fut son interprète durant les 5 années de détention.

Décédé en 2005, Permyakov a légué cette montre à ses héritiers. C’est en 2019, que ces derniers font appel à la maison de vente Phillips pour vendre cette pièce incroyable aux enchères. Une pièce de musée que la maison de vente Phillips n’a pas hésité a conservé secrètement durant plus de 5 ans. La crise du covid 19 ayant particulièrement déstabilisé l’économie asiatique dès la fin de l’année 2019, la stratégie de Phillips fut d’attendre une conjoncture optimum et d’éviter de se priver d’une partie des grands collectionneurs chinois.

Que nous dit ce résultat record ? Si l’on lit entre les lignes, ce prix record, confirme que Patek Philippe est une marque universelle. Si dans les années 1930, la marque ne possèdent pas encore de succursales sur tous les continents, elle bénéficie déjà d’un prestige incroyable et d’une notoriété légendaire. Les montres rattachées à des personnalités qui ont marqué l’histoire sont considérées comme des pièces historiques par les amateurs les plus avertis.

Patek Philippe Chameleon
Patek Philippe Chameleon

PATEK PHILIPPE « CAMÉLÉON » | Antiquorum

C’est indiscutablement la montre Patek Philippe la plus insolite présentée aux enchères depuis le début de l’année 2023 (lot 450, vente du 15 mai 2023) ! Vendue 387.500 € par la maison Antiquorum le 15 mai dernier, cette montre de dame, référence 1252, fut réalisée en 1949 en 8 exemplaires seulement ! Présentée aux enchères 30 ans plus tôt par une petite maison de vente dans le sud de la France, c’est lors de cette vente que son propriétaire en avait fait l’acquisition. Dans le plus pur style Art Déco, cette montre est rare mais bien connue des amateurs puisque les collections du Patek Philippe Museum abritent l’un des 8 exemplaires. D’ailleurs, la montre du Patek Philippe Muséum et cet exemplaire, qui porte le numéro 638777, sont les 2 seuls montres recensées parmi les 8 produites.

Réalisée en or jaune 18k, cette montre est montée sur un bracelet jonc décoré d’un imposant caméléon. Figure animale particulièrement énigmatique, car inhabituelle dans l’univers de la joaillerie ou de l’horlogerie, le caméléon est un animal que l’on retrouve très rarement dans l’univers des beaux-art, le céramiste Charles Gréber est d’ailleurs l’un des rares artistes à avoir représenté cette créature primitive.

Estimée 51.000 CHF, cette montre-bijou s’est vendue plus de 7 fois son prix, un résultat qui en dit long sur le marché des montres de dame. Depuis quelques années, l’horlogerie féminine est un secteur en pleine expansion et le marché de la collection occupe désormais une part de marché significative. Ces réalisations, qui ont la particularité de se situer à la fois dans le champ de l’horlogerie et dans celui de la joaillerie, mettent souvent en compétition de grands collectionneurs d’horlogerie et de grands amateurs de joaillerie. Alors que l’on parlait encore de « niche » il y a quelques années, les montres de dame occupent désormais une part de marché non-négligeable et certaines maisons de vente aux enchères leur consacrent des ventes dédiées.

Que nous dit ce résultat record ? Clairement, que le marché des montres de dame répond aux mêmes règles de celui des montes masculines : qui répond aux mêmes règles : rareté, provenance et état de conservation spectaculaire. Toutefois, aujourd’hui, les pièces horlogères féminines ne réalisent pas encore des résultats comparables aux modèles masculins. À la différence de la Patek Philippe Impériale, cette Patek Philippe Caméléon, pourtant elle aussi réalisé en 8 exemplaires seulement, n’atteint pas les mêmes fourchettes de prix. Une différence qui s’explique en partie par l’absence de grande complication de mécanismes complexes.

Patek Philippe « Tahiti Forest »
Patek Philippe « Tahiti Forest »

PATEK PHILIPPE « TAHITI FOREST » | Christie’s

C’est la maison Christie’s qui a présenté en vente, le 26 mai dernier à Honk Kong, cette superbe référence 1995 en or rose habillée d’un cadran unique en émail cloisonnée (lot 2332, vente du 26 mai 2023). La référence 1595 est typique de la production des années 50 qui inaugurent la grande tendance des montres rondes. Produite seulement en un nombre très limité, seulement 24 montres en or rose furent manufacturées, parmi lesquelles 2 uniquement dotées d’un cadran en émail cloisonné. L’exemplaire présenté était doté du cadran « Tahiti Forest », une dénomination que l’on doit au fabricant Stern Frères qui a livré ce cadran à Patek Philippe, comme l’atteste la mention « 93 » au dos qui correspond au code client Patek Philippe dans les livres du cadranier. Réalisé en 1951/1952 par l’une des plus grandes émailleuse d’art de la période, Marguerite Koch, cette montre est une véritable œuvre d’art. Pour tous les collectionneurs, Marguerite Koch est un nom mythique puisque cette artiste genevoise, particulièrement active vers la fin des années 1940 et dans les années 1950, a réalisé les plus beaux cadrans émaillés de la période pour Patek Phillipe, Rolex ou encore Vacheron Constantin.

Si cette montre est terriblement attirante, c’est aussi est surtout pour la thématique abordé par l’artiste : Tahiti. La seconde 1595 avec cadran émaillé est surnommée “Santa Maria Caravelle » en référence au thème représenté. Si la caravelle est un sujet courant et plus que « déjà vu » dans la production de montres émaillée des années 1940 aux années 1960, Tahiti est un sujet absolument inédit. À ce jour, cette thématique n’est répertoriée sur aucun autre cadran.

Vendue pour la toute première fois aux enchères en 2012, cette montre n’avait eu que 3 propriétaires. Son propriétaire d’origine en fit l’acquisition en 1953, en 2000 la montre « change de mains » lors d’une transaction privée et en 2012, elle est à nouveau revendue aux enchères et intègre une très importante collection privée.

Summum de l’exclusivité, cette montre fut vendu plus près de 1 120 000 €, soit 4 fois le montant de l’estimation figurant au catalogue.

Que nous dit ce résultat record ? Le marché des montres à cadrans en émail cloisonné est particulièrement fort, car l’on estime que seulement quelques centaines de pièces auraient été manufacturées ( toutes marques confondues). Aujourd’hui, les cadrans les plus recherchés sont ceux réalisés pour les marques les plus prestigieuses : Rolex et Patek Philippe.

Patek Philippe Reference 1518
Patek Philippe certificat

PATEK PHILLIPE ref. 1518 | Sotheby’s

Premier chronographe avec calendrier perpétuel, la référence 1518 est une montre culte dans l’histoire de l’horlogerie. Considérée comme la première grande complication, c’est indiscutablement la montre plus aboutie de la première moitié du 20ème siècle. Lancée en 1941, le modèle est produit jusqu’en 1954, et seulement 281 exemplaires seront manufacturés. La grande majorité fut réalisée en or jaune, 4 montres seulement furent livrées dans des boîtiers en acier, et l’on estime que 20% de la production fut équipé de boîtier en or rose, soit moins de 60 pièces.

La montre vendue par Sotheby’s le 9 juin dernier (lot 38), doté d’un calendrier français, était présentée pour la première fois en vente publique. Manufacturé en 1946 et vendue le 9 juillet 1947, elle est restée dans la même famille depuis.

Accompagné d’un extrait des registres, précisant qu’elle fut vendue sur bracelet cuir, ce chronographe était présenté sur un bracelet or rose estampillé Gay Frères, célèbre fabricant qui devint le principal fournisseurs des plus célèbres manufactures horlogères dès les années 1940.

L’exemplaire proposé à la vente était un collector quasi-introuvable aujourd’hui, ce qui explique pourquoi les plus grands amateurs se sont disputé cette montre lors d’une bataille d’enchères spectaculaire. Estimé 2.5000 USD, cette belle pièce de collection s’est vendue 3.871.500 USD malgré une petite restauration au cadran !

Que nous dit ce résultat record ? Toutes les plus grandes manufactures horlogères ont leurs icônes. : la 6241 chez Rolex, la Royal Oak chez Audemars Piguet, le Tourbillon Souverain chez F.P. Journe…. La 1518 reste le modèle le plus désirable pour tout collectionneur de la marque et représente le Graal horloger absolu.

Puisque les maisons de vente aux enchères communiquent toujours sur l’origine et la nationalité de leurs acheteurs, cette année le chiffre à retenir est 29 % ! Publié par Christie’s, ce chiffre ne représente pas le pourcentage d’acheteurs européens, asiatiques, ni même américains, mais il s’agit des millénials !  La génération Y représenterait désormais près d’un acheteur sur 3 en salle de ventes. Cette génération, née entre le début des années 1980 et la fin des années 1990, semble inscrire ses goûts et ses pratiques d’achat dans la continuité dans la continuité des grands collectionneurs.

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