3 MONTRES HISTORIQUES QUE L’ON S’IMPATIENTE DE VOIR RÉAPPARAÎTRE SUR LE MARCHÉ
Considérées comme des montres historiques, ces icônes horlogères sont aujourd’hui conservées dans des collections privées.
Leur dernière apparition sur le marché n’est pas passée inaperçue, et avait déclenché une couverture médiatique hors norme et batailles d’enchères extraordinaires.
Leur point commun ? Elles sont connues des plus grands collectionneurs, car elles ont toutes les trois été présentées 2 fois en vente aux enchères à exactement 15 ans d’intervalle.
Parce que « Jamais deux sans trois », leur prochaine apparition sur le marché est déjà attendue avec impatience par une poignée de connaisseurs qui se disent prêt à payer le prix pour posséder l’un de ces graals horlogers.
Dans l’attente de ce prochain temps fort, savez-vous pourquoi ces montres sont des chefs-d’œuvre horlogers ?
Retour sur 3 montres historiques incontournables.
L’HEURE UNIVERSELLE DE WINSTON CHURCHILL
L’Heure universelle est une complication inventée par le maître Horloger Louis Cottier en 1931. Ce fils d’horloger, formé à l’école d’horlogerie de Genève, imagine un mécanisme ingénieux permettant de connaître l’heure des principales villes du monde.
Si Louis Cottier a développé des montres à heures universelles pour Patek Philippe ou encore Rolex, la manufacture de son grand ami Hans Wildorf, on estime qu’il aurait produit uniquement 179 montres de poche à heure universelle, dont 17 seulement équipées d’un cadran en émail cloisonné.
La montre la plus exceptionnelle est certainement celle produite pour Agassiz en 1945. La manufacture fondée par Auguste Agassiz en 1932, qui deviendra Longines en 1966, reçoit une commande très spéciale au lendemain la Seconde Guerre mondiale.
Un groupe de citoyens de Genève souhaitant manifester sa reconnaissance aux états les ayant délivrés du nazisme demande à Agassiz de concevoir une montre spéciale, déclinée en 4 exemplaires, qui sera offerte au Général de Gaulle, au premier ministre Winston Churchill, au président Harry Truman et au Maréchal Joseph Staline.
C’est en août 1945 qu’Auguste Agassiz confie à Louis Cottier la réalisation de cette montre de la Victoire qui doit être livrée au plus tard le 30 novembre de la même année. Les 4 montres sont offertes pour Noël 1945 aux 4 dirigeants alliés.
Cottier imagine une montre à Heure Universelle avec un décor en émail cloisonné au centre du cadran. La scène émaillée représentée est unique pour chaque montre et intègre une référence culturelle propre au pays qu’elle honore. Ainsi, sur la montre qui est offerte à Winston Churchill, figure une représentation de Saint-Georges tuant le dragon, allégorie de la victoire de la Foi sur le Mal.
L’aiguille des heures prend la forme d’un trident symbolisant le combat héroïque de l’Angleterre. Au dos, figure une mappemonde avec le V de la Victoire, surmontée de l’inscription « 1939 Prime Minister Winston Spencer Churchill 1945 ».
Les 4 boîtiers ont été fabriqués par la maison Wenger, dirigée par Edouard Wenger, ami d’enfance de Louis Cottier et les cadrans sont réalisés par la Maison Stern.
Remise par l’homme politique suisse Johannes Baumann à Winston Churchill, cette montre était accompagnée d’une lettre faisant allusion au « guerrier heureux. Il a inspiré à l’Angleterre le courage et l’endurance lorsqu’elle était seule, sans défense et en grand péril, et l’a conduite pendant cinq ans à la victoire. »
Winston Churchill remerciera Baumann avec ces mots : « C’est un plaisir de posséder la belle montre que vous avez eu la gentillesse de me donner. J’admire tant le soin et la qualité avec lesquels ce délicat exemple d’artisanat et de précision suisse a été réalisé. Ma famille et moi chérirons toujours votre superbe cadeau qui restera dans notre patrimoine comme un souvenir de votre beau pays et de vos sentiments amicaux qui ont inspiré votre délicate attention à mon égard. »
Après le décès de Churchill en 1965, cette montre reste conservée dans la famille jusqu’en 1998, avant d’être proposée pour la première fois aux enchères lors de la vente « The Political Sale » (Sotheby’s Londres, vente du 15 juillet 1998, lot 96).
Provenant directement de la famille Churchill, la montre fut vendue aux alentours de 25.000 GPB à l’époque, soit l’équivalent de 40.000 € aujourd’hui. En 2017, elle réapparaît sur le marché pour la seconde fois et sera adjugée plus de 540 000 € (Sotheby’s, vente du 22 septembre 2017, lot 75), soit un prix multiplié par 13 en 18 ans !
Une valorisation exceptionnelle lorsqu’on se souvient que la première de ces 4 montres à apparaître sur le marché fut celle offerte au Général de Gaulle. À l’époque, la montre avait été vendue 126 000 CHF par la maison de vente suisse Antiquorum soit l’équivalent d’à peine 30 000 € (vente du 14 octobre 1990, lot 92).
En à peine 2 décennies, le marché semble avoir saisi la portée historique de cette montre. À ce jour, sur les 4 montres réalisées par Louis Cottier, seule celles offertes à Winston Churchill et au Général de Gaulle sont apparues sur le marché et furent vendues par la famille des chefs d’état.
Depuis 1945, les montres offertes à Stalin et Truman ne sont jamais apparues sur le marché…Si demain, elles venaient à être redécouvertes, nul doute qu’elles déchaîneraient les passions ! L’histoire de cette montre exceptionnelle réalisée par Louis Cottier spécialement pour Churchill est racontée dans le livre La petite Histoire des grandes montres illustré par Neis.
ROLEX « BAO DAI », L’EX ROLEX LA PLUS CHÈRE DU MONDE
C’est une montre historique, une Rolex de 1952, ref. 6062, en or jaune avec calendrier complet et phases de la Lune, équipée un rare cadran noir serti de 5 diamants. Surnommée la « Bao Dai, » cette montre fut achetée à Genève au printemps 1954 par le dernier Empereur du Vietnam. En voyage en Europe pour assister à la conférence indochinoise de Genève, Bao Dai se serait rendu chez le détaillant Philippe Beguin, situé juste à côté de l’Hôtel de Bergues (le Four Season actuel) où il résidait et aurait demandé « la montre la plus rare et la plus chère ». Si ce garde-temps aurait été produit à 3 exemplaires uniquement, cette version est exceptionnelle, car c’est le seul exemplaire répertorié avec des diamants pour figurer les index pairs. Autre particularité, la couronne Rolex situé à 12 h est positionnée légèrement de dessous de son emplacement habituel, ce détail suffit à faire de cette montre une pièce unique qui sort des standards de Rolex. L’année suivante, Bao Dai sera renversé par son premier ministre et passera le reste de sa vie en exil, en France principalement, en Alsace.
L’empereur décède en 1997 à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris, sa montre fut conservée auprès de ses héritiers qui décident en 2002 de s’en séparer. Présentée pour la première fois aux enchères par la maison Phillips, elle fut vendue 235 000 $, un prix record qui en fit la montre Rolex la plus chère jamais vendue pour l’époque.
15 ans plus tard, le 13 mai 2017, Phillips remet ce collector en vente pour la seconde fois. En 8 minutes exactement, la montre, vendue sous le n° 93, pulvérise son précédent record et se vend plus de 5 millions de dollars. Elle restera durant 6 mois la Rolex la plus chère du monde, jusqu’à la vente du mythique Daytona de Paul Newman.
La Rolex Bao Dai est une montre légendaire, et clairement l’une des Rolex qui a marqué le marché des montres de collection durant ces dernières années.
Pour preuve, la Rolex Bao Dai est représentée dans l’ouvrage 100 Superlative Rolex Watches, écrit par le collectionneur et célèbre historien John Goldberger.
Une montre qui ne passera pas inaperçue lors de sa prochaine mise en vente sur le marché !
PATEK PHILIPPE, HENRY GRAVES SUPERCOMPLICATION, UN CHEF D’ŒUVRE HORLOGER
C’est une montre en or jaune qui a marqué l’histoire des ventes aux enchères deux fois en 15 ans d’intervalle. Cette pièce unique, réalisée par Patek Philippe d’après une commande du banquier New-Yorkais Henry Graves, a nécessité 8 années de recherches et de développement.
Ce milliardaire, fondateur et associé de Maxwell & Graves est connu pour être l’un des plus grands collectionneurs de montres du 20e siècle. Il entretient une relation privilégiée avec la manufacture Patek Philippe, et compte parmi les clients qui auraient permis à la société horlogère de faire face à la crise de 1929 en continuant à acheter des pièces importantes. D’ailleurs entre 1922 et 1951, Patek Philippe lui aurait livré 30 pièces uniques réalisées sur commande. La Supercomplication Henry Graves est la plus aboutie d’entre elles.
Cette montre intègre 24 complications dont un calendrier perpétuel avec phases de la Lune, l’indication du lever et du coucher du soleil pour la ville de New-York ainsi qu’une représentation du ciel de New-York tel qu’il est au-dessus de sa maison située au n° 834 de la 5ème avenue. En résumé, cette montre est le plus beau chef d’œuvre horloger du 20ème siècle.
C’est en 1925 que Henry Graves commande cette montre inédite. Il faut plus de 3 ans de recherches et 5 ans d’artisanat aux maîtres-horlogers de Patek Philippe avant de livrer cette Supercomplication le 19 janvier 1933 à son propriétaire. Cette montre fut
entièrement exécutée à la main sans l’intervention d’aucune machine. À ce jour, aucune montre intégrant autant de complications n’a été réalisée par la main de l’homme. D’ailleurs, ce bijou de technicité restera la montre la plus compliquée du monde jusqu’en 1989, lorsque Patek Philippe se surpasse avec le calibre 89.
Au décès de Henry Graves en 1953, cette montre fut vendue par ses héritiers au Rockford Time Museum. En 1999, le musée ferme ses portes et la montre est vendue pour la première fois en vente publique par Sotheby’s qui enregistre un record du monde : 11 millions de dollars (vente Sotheby’s « Masterpieces from the Time Museum », 2 décembre 1999, lot 7) ! La Supercomplication devient la montre la plus chère du monde. C’est le Sheikh Saud bin Muhammed Al Thani, considéré comme l’un des plus grands collectionneurs d’art de tous les temps, qui en fait l’acquisition.
En 2014, la Supercomplication Henri Graves est proposée sur le marché pour la deuxième fois par Sotheby’s (vente du 11 novembre 2014, lot 345) Elle est vendue pour 24 millions, un nouveau record !
Cette montre est désormais conservée dans les collections du Patek Philippe Museum, ce qui diminue considérablement ses chances de la voir réapparaître sur le marché un jour… Mais « on ne sait aujourd’hui pas de quoi demain sera fait » ! Car n’oublions pas que cette montre fut conservée longtemps dans les collections d’un musée américain avant d’apparaître miraculeusement sur le marché…. Qui sait ? Peut-être que l’histoire se répétera !