Le 12 mai prochain, la maison Christie’s inaugurera « The Art of F.P. Journe », la plus importante vente aux enchères jamais organisée et dédiée à François-Paul Journe, une occasion parfaite pour revenir sur les 6 modèles iconiques qui ont contribué au succès de la marque.
François-Paul Journe ou une certaine idée de l’Horlogerie
Véritable star de l’horlogerie indépendante, François-Paul Journe s’est imposé depuis 20 ans comme l’une des signatures les plus prisées des grands connaisseurs.
Si ses rares garde-temps suscitent autant d’intérêt aujourd’hui, c’est parce que leur valeur s’est envolée ces dernières années, allant jusqu’à doubler, tripler ou décupler !
Pourtant, loin des stratégies d’investissements et du marché qui s’emballe, derrière cette si belle signature, c’est bien d’horlogerie qu’il s’agit. Pour comprendre pourquoi François-Paul Journe s’est fait une si belle place au soleil dans le paysage horloger, il faut parcourir ses collections, et prendre le temps de revenir sur ses modèles emblématiques, car ils en disent long sur la philosophie F.P. Journe.
Celui qui dans les années 1980, travaillait exclusivement sur commande pour une poignée de collectionneurs dans son petit atelier de la rue de Verneuil à Paris, est désormais une véritable star internationale.
Pourtant, si à 4 ans il se prend d’affection un peu par hasard pour une vieille montre de poche qu’il ne quittera pas de son enfance, rien ne prédestinait François-Paul Journe à devenir horloger.
Turbulent, dissipé et peu studieux, il sort du cursus général et intègre l’école d’Horlogerie de Marseille à 14 ans…. Avant de se faire virer 3 mois plus tard pour indiscipline ! C’est à ce moment que l’un de ses oncles, horloger à Paris et « qui avait lui aussi eu un parcours un peu difficile », le prend sous son aile et lui propose d’entrer en stage dans son atelier de restauration de pendules. C’est le déclic. En se confrontant aux plus belles pièces horlogères du 18ème siècle, François-Paul Journe se passionne pour la technicité, le génie et l’inventivité des horlogers du passé.
« L’horlogerie, même celle que je fais, est une science fossile, parce que l’on n’en a plus besoin. On joue avec des concepts complètement inutiles du XVIIIe et du XIXe siècle mais qui font rêver.»
Se spécialisant d’abord dans la restauration de pendules anciennes, il se lance dans la conception de son premier tourbillon au début des années 1980. Ce défi, qu’il relève en 5 ans, lui permet de se faire remarquer par de grands collectionneurs. En 1985, il ouvre son premier atelier rue de Verneuil, et se lance en tant qu’indépendant. Il produit quelques pièces très confidentielles et travaille uniquement sur commande pour quelques grands collectionneurs jusqu’en 1994, où il a l’opportunité de reprendre le fond d’atelier d’un horloger genevois partant à la retraite.
L’aventure « Invenit & Fecit » débute en 1997 puis se concrétise officiellement en 1999 avec le lancement de sa première montre. Aujourd’hui, François-Paul Journe est considéré comme celui qui a su donner une nouvelle impulsion à l’horlogerie indépendante. Pourtant, avec une modestie et une humilité hors pair, il refuse d’être adulé comme un génie, et préfère rendre hommage à sa manière à ceux qui l’inspirent : Antide Janvier, Ferdinand Berthoud ou Louis-Abraham Breguet. Rappelant qu’ils sont les inventeurs des grands concepts avec lesquels il joue, il ne cesse de se réapproprier leurs découvertes et de les combiner à sa manière.
6 modèles incontournables à collectionner
Tourbillon Souverain
Parmi tous les modèles développés par François-Paul Journe, le Tourbillon Souverain est certainement le plus emblématique, celui avec lequel tout a débuté.
C’est en 1997, alors que sa marque n’est pas encore officiellement lancée que François-Paul Journe imagine cette montre. À l’origine, il y a une envie, celle de réinterpréter les grands concepts qui ont révolutionné l’horlogerie des 18ème et 19eme siècles ; mais également une exigence, celle de faire de l’horlogerie et « pas de la montre ». Fasciné par la chronométrie, c’est l’exigence de la précision qui l’amène à se réapproprier l’une des plus grandes inventions de Louis-Abrahan Breguet : le tourbillon. Breveté en 1801 par l’horloger français, le système de régulateur à tourbillon permet au mouvement de conserver la même justesse « quelle que soit la position, verticale ou inclinée, de la montre ».
Le génie de François-Paul Journe est de combiner cette complication avec un autre mécanisme de régulation : le remontoir d’égalité. Visant à apporter plus de stabilité au mouvement, le remontoir d’égalité est un mécanisme complexe développé en horlogerie dès la fin du 16ème siècle par le Suisse Jost Bürgi. Abandonné au 17ème siècle, ce système est revisité au 18ème par Ferdinand Berthoud, puis délaissé une nouvelle fois par les horlogers du 19ème siècle, avant d’être remis au goût du jour par le fascinant George Daniels dans les années 1970.
Souhaitant rendre hommage à une complication devenue « complètement inutile » aujourd’hui – puisque d’autres mécanismes permettant d’apporter davantage de précision ont été découverts entre temps – le talent de François-Paul Journe est d’oser expérimenter ce que l’histoire n’a pas rendu nécessaire.
Lancée en 1999, la toute première montre de François-Paul Journe est vendue par souscription, un principe inventé par Louis-Abraham Breguet consistant à pré-vendre les montres avant de lancer leur lancer en production. Les acheteurs devant s’acquitter de 25% du prix de vente à la commande, ce système de financement participatif, permit à Francois-Paul Journe « d’amorcer la pompe » en limitant la prise de risque. Uniquement 20 pièces furent annoncées, les collectionneurs se bâtèrent pour accéder à la liste de commandes.
Si le Tourbillon Souverain est la montre qui a lancé F.P. Journe, c’est surtout un modèle qui n’a cessé de se réinventer depuis 24 ans. En 2003, une nouvelle version équipée d’une seconde morte voit le jour, et en 2019, pour célébrer les 20 ans de ce modèle iconique, une version avec cage de tourbillon verticale – et non plus horizontale – et lancée.
Le modèle qui sera mis aux enchères le 12 mai prochain par Christie’s est particulièrement interessant, car il est est équipé d’un cadran en jade (Estimation 500 000 / 1 000 000 CHF). Le jade est très rarement utilisé en horlogerie car, très fragile, il requiert un savoir-faire particulier et une grande maîtrise. Étant donné la complexité du cadran, en raison notamment de l’ouverture pour la cage de tourbillon, et des deux sous-cadrans, proposer une version du Tourbillon Souverain avec cadran jade était un pari audacieux. Seul un nombre limité d’exemplaires fut produit en 38 mm et 40 mm en 2015. La pièce proposée par Christie’s est une version 40 mm. À titre de comparaison, une pièce similaire fut présentée en vente le 11 juin 2022 par la maison Phillips à New-York (lot n°10) et vendue 1 240 000 $ (1 138 000 CHF).
Chronomètre à Résonance « Pré-Souscription »
Lancée en 2000, le chronomètre à résonance est l’aboutissement de 17 années de recherche et de développement. C’est au début des années 1980, en restaurant avec son oncle une pendule pour le conservatoire des Arts et Métiers, que François-Paul Journe découvre le principe de résonance, une loi qui va inspirer ses créations et devenir un axe de recherche dominant.
Découvert au 17ème siècle par l’horloger hollandais Christian Huygens, ce principe repose sur une observation : deux mécanismes horlogers placés à proximité synchronisent systématiquement leurs mouvements et atteignent une plus grande précision. Ce phénomène naturel est nommé « résonance ». Au 18ème siècle, l’astronome et maître-horloger Antide Janvier va être le premier à exploiter cette découverte et à comprendre qu’au cœur du principe de résonance il y a en réalité un transfert d’énergie d’un mécanisme à un autre. Mais c’est véritablement Louis-Abraham Breguet qui transpose le principe de la résonance pour la première fois dans une montre de poche.
Particulièrement admiratif des travaux d’Antide Janvier, qui meurt dans la misère et tombe injustement dans l’oubli au 19ème siècle, François-Paul Journe entreprend dès 1983 de concevoir une montre de poche à résonance. Malheureusement, ce projet n’aboutit pas et se solde par un échec. C’est seulement en 2000 qu’il parvient à concrétiser son ambition et élabore la toute première montre-bracelet à résonance. Sur le même principe que son Tourbillon Souverain, cette montre est lancée en souscription et la première série sera éditée à 20 exemplaires. Mais secrètement, il édite en avant-première une série dite « Pré-souscription ».
La pièce proposée par Christie’s est particulièrement excitante, car elle est issue de cette rarissime série antérieure à la première série officielle. A priori 40 pièces auraient été manufacturées en 1999 et délivrées avant la série souscription. Parce que les premières séries sont toujours les plus convoitées par les collectionneurs, cet exemplaire suscitera certainement un enthousiasme exceptionnel. N’apparaissant pratiquement jamais sur le second marché, cette montre « Pré-Souscription » dépassera probablement le million d’euro (Estimation 500 000 / 1 000 000 CHF).
Pour la comparaison, le 9 novembre 2022, la maison Sotheby’s a enregistré un résultat de 1 071 000 CHF pour un chronomètre à résonance Pré Souscription en platine avec cadran or blanc.
Centigraphe Souverain
Fasciné par la chronométrie et en quête d’une précision absolue, F.P. Journe ne pouvait qu’oser réinventer et surpasser le chronographe. En 2008, il relève ce défi en développant son premier Centigraphe, un chronographe mesurant le centième de seconde. À l’origine de ce projet, il n’y a aucune référence à l’horlogerie du 18ème ou du 19ème siècle, mais une rencontre, celle de l’horloger avec Jean Todd, alors patron de Ferrari. Échangeant sur ce que serait la montre idéale pour le monde de la course automobile, l’idée d’une montre capable de mesurer des temps d’un centième de seconde comme de 10 minutes apparaît comme une évidence. Cette nécessité va servir de fil conduction à l’horloger qui imagine un mécanisme capable de mesurer des vitesses allant jusqu’à 360 000 km/h, un exploit technique inédit.
Parce qu’il est à l’origine de ce garde-temps, proposé à son lancement avec un cadran rouge chrome en référence à la peinture de F1, Jean Todd en est officiellement « le parrain ».
Un modèle qui est aujourd’hui mythique dans les collections F.P. Journe puisqu’il reçut l’Aiguille d’Or 2008, plus haute distinction attribuée par le Grand Prix d’Horlogerie de Genève.
Produit de 2008 à 2018, le Centigraphe a été décliné en plusieurs séries avec cadran rouge. La toute première est limitée à 3 exemplaires uniquement et porte le logo Ferrari à 12h. Les 3 montres, chacune numérotées étaient dédiées à Jean Tood, Michael Schumacher et François-Paul Journe. En 2010, une nouvelle série de 4 exemplaires réalisés sur commande est manufacturée. La montre proposée aux enchères provient probablement de cette série, dont à ce jour, un seul exemplaire fut proposé en ventes aux enchères. Vendu à Genève par la maison Antiquorum l’année de sa sortie, ce Centigraphe « Ferrari » avait été adjugé 111 600 CHF…. Un prix qui 13 ans plus tard, semble absolument dérisoire compte tenu du potentiel « collection » évident de ce garde temps (Estimation 400 000 / 600 000 CHF).
Octa Calendrier
En 2001, F.P. Journe lance la ligne Octa, une collection de montres-bracelets automatiques avec une réserve de marche épatante de 120 heures, soit 5 jours d’autonomie ! Déclinée en 38 ou 40mm, platine ou or rose, la collection Octa connaît un succès fulgurant dès son lancement.
Lancé en 2004, le modèle Octa Calendrier est la première montre-bracelet intégrant un calendrier annuel rétrograde et une grande date. Nécessitant 3 ans de recherches et développement, ce modèle fut produit uniquement entre 2004 et 2015, car c’est également l’une des spécificités de F.P. Journe, les collections évoluent et sont stoppées de manière arbitraire ou en fonction des nouveaux projets qui émergent.
Ce modèle est particulièrement remarquable par la manière dont François-Paul Journe a miniaturisé le mécanisme de calendrier. N’excédant pas plus de 30 mm de large et 5,7 mm de diamètre, les petites dimensions du calendrier permettent de proposer une montre aux propositions étonnamment harmonieuses.
Parce qu’elle ne fait pas appel aux grands principes hérités de la tradition horlogères des 18ème et 19ème siècles, comme le remontoir d’égalité ou la résonance, la collection Octa est peut-être la ligne la plus « grand public » de F.P. Journe.
La pièce présentée aux enchères le 12 mai prochain est en platine et équipée d’un rare cadran en nacre noire dite aussi « nacre de Tahiti ». Il s’agit probablement de la série spéciale, limitée à 15 montres uniquement, réalisée en 2006 pour le Sincere Fine Watches, le plus ancien revendeur de montres de luxe d’Asie ( Estimation 150 000 / 250 000 CHF).
Le modèle Octa Calendrier reçut le Prix Spécial du Jury en 2002 au Grand Prix d’Horlogerie de Genève.
Chronomètre Souverain, Édition Dubaï
Pour célébrer l’ouverture de sa 10ème boutique à Dubaï le 30 octobre 2019, F.P. Journe lance une édition spéciale de son Chronomètre Souverain. Après Tokyo, Hong Kong, Genève, Paris, New-York, Miami, Los Angeles, Beyrouth et Kiev, la marque fait honneur aux collectionneurs du Moyen-Orient en s’associant avec Ahmed Seddiqi & Sons, le détaillant historique des Émirats.
Limitée à 99 pièces, cette série en platine 40 mm arbore un joli cadran vert, couleur de la chance, du succès et de la fertilité (Estimation 60 000 € / 120 000 CHF).
Véritable instrument de précision, le Chronomètre Souverain est l’un des best-sellers de la maison F.P. Journe et certainement – en apparence – le modèle le plus sobre et minimaliste de toutes les collections.
Instrument de mesure qui permit aux plus grands explorateurs et navigateurs de découvrir le monde, les premiers chronomètres de marine sont révolutionnaires par leur fiabilité. Malgré les variations de température, la force gravitationnelle (latitude / amplitude), le mouvement perpétuel auquel ils sont soumis, mais aussi le vieillissement des huiles (qui peut avoir une incidence sur le fonctionnement du mécanisme) leur fiabilité est hors norme.
Matérialisant une avancée inédite en matière de chronométrie, le chronomètre de marine représente pour François-Paul Journe le plus grand défi de l’horlogerie : la recherche de la constance dans l’indication de l’heure.
C’est toute cette philosophie que le Chronomètre Souverain porte en lui. D’ailleurs, cette haute sophistication, François-Paul Journe n’hésite pas à la dédier « à un public possédant un certain art de vivre et une connaissance de la culture horlogère ».
Récompensé par le Prix de la Montre Homme au Grand Prix de Genève en 2005, le Chronomètre Souverain a vu sa valeur se démultiplier depuis son lancement. Vendus initialement entre 14 000 et 17 000 CHF, les premiers modèles se négocient aujourd’hui jusqu’à 10 fois plus. Ainsi, le 9 mai 2021, Phillips vendait l’un des premiers exemplaires manufacturés 163 000 CHF (lot 140, 8 et 9 mai 2021).
Mais, le Chronomètre Souverain qui a le plus marqué les enchères ces dernières années reste indiscutablement celui offert à George Daniels par François-Paul Journe en 2010. Vendu une première fois par Sotheby’s (lot 27, 6 novembre 2012), cette montre « pleine d’émotion qui porte l’hommage d’un horloger légendaire à un autre” fut présentée une seconde fois aux enchères près de 10 ans plus tard et vendu 345 000 € par Christie’s à Hong Kong (lot 2206, 22 mai 2021).
Le Chronomètre Souverain a fait l’objet de très peu de séries spéciales : une en titane poli pour célébrer le 1er anniversaire de la boutique de Tokyo en 2005, et cette série « Dubaï » avec cadran vert en 2019.
Octa « LineSport »
Pour tout amateur de F.P. Journe, la collection Linesport est fabuleusement excitante puisqu’elle signe l’introduction de nouveaux matériaux dans l’univers de l’horloger : l’aluminium.
Utilisant exclusivement le platine et l’or rouge, François-Paul Journe expérimente dès 2005 de nouvelles textures comme le titane et le tantale – qu’il réserve uniquement à des séries spéciales.
Mais en 2011, plus qu’une évidence, l’idée de concevoir une ligne sportive devient une nécessité afin de répondre aux attentes de quelques collectionneurs pratiquant une activité sportive à haut niveau.
En recherche d’un matériau plus léger mais ultra-résistant, François-Paul Journe s’inspire du domaine aéronautique et découvre un alliage d’aluminium parfaitement adéquat, c’est ainsi que la collection Linesport voit le jour.
Mais si la collection LineSport est révolutionnaire, c’est parce que son mouvement n’est plus en or, mais en aluminium avec un rotor en titane ! La montre est d’une extrême légèreté, à peine 60 g sur bracelet en caoutchouc et 70 g sur bracelet titane ! Conjuguer horlogerie de précision et fonctionnalité, c’est le grand défi que relève la collection Linesport.
Le modèle qui sera présenté en vente par Christie’s le 12 mai prochain, est une rare version en titane avec cadran bleu (Estimation 60 000 / 120 000 CHF). Produite seulement à 8 exemplaires, à ce jour, aucune pièce n’était encore réapparue sur le marché.
Les éditions « Black Label »
Compte tenu de la très limitée production de la marque (environ 1 000 pièces par an), chaque montre peut être considérée comme un véritable collector. Si les séries spéciales ou les éditions « anniversaires » sont évidemment beaucoup plus recherchées, une collection en particulier affole les collectionneurs : Black Label.
Lancée en 2008, cette collection exclusive est accessible uniquement aux amateurs possédant déjà un garde-temps F.P. Journe. La marque imagine une série spéciale avec cadran noir déclinée uniquement en platine. Particulièrement convoitée, uniquement 12 pièces sont délivrées chaque année, une pour chaque modèle en 38 mm et 40 mm, les éditions Black Label sont le graal des investisseurs !